Une histoire d’amour moderne, sur la scène musicale d’Austin au Texas, deux couples – d’un côté Faye (Rooney Mara) et le chanteur BV (Ryan Gosling), et de l’autre un magnat de l’industrie musicale (Michael Fassbender) et une serveuse (Natalie Portman) – voient leurs destins et leurs amours se mêler, alors que chacun cherche le succès dans cet univers rock’n’roll fait de séduction et de trahison.
Song to Song, film en apesanteur où des humains se font la roue comme des paons, roucoulent et s’éplument. Sensuel et gestuel, toujours en équilibre de funambules, les protagonistes se touchent et se frôlent. Volatile comme les chansons, des notes cotonneuses et parfois déchirées qui s’entrelacent et s’enlacent mais jamais ne lassent pour la plus féminine des partitions de Terrence Malick. Un requiem à la grâce où chaque plan contient l’intégralité du film comme chaque corps de femme l’humanité toute entière. L’indicible se dévoile dans la mise en scène qui devient une mise à nu, épure de vérité et d’élégiaque beauté… poème bucolique et urbain à l’incandescence des sens, montrant, et l’illusion et l’impossibilité de la vie. Le cinéaste montre là, qu’il est aussi un rebelle qui pratique l’art de l’esquisse et de l’esquive avec malice.
Au cœur d’Austin
Song to Song, la nouvelle histoire d’amour du cinéaste culte Terrence Malick, a été filmé dans les différents quartiers d’Austin et lors des fameux festivals de musique de la ville.
Austin, la capitale de l’État du Texas, est une ville de contrastes où s’entremêlent esprit bohème, rêves d’artistes et ambition dévorante de réussite. Les Texans ont connu un embourgeoisement graduel et la privatisation des entreprises et des services. Même la musique a changé radicalement. Austin, « capitale mondiale de la musique live », est réputée mondialement pour ses nombreux festivals de musique, ses clubs, et ses bars clandestins et honky tonks. Mais la cité est tout aussi connue pour ses innombrables musiciens et chanteurs qui aspirent à une existence leur offrant la liberté de création, sans entraves ni inhibitions. Et ce quel que soit le genre de leur musique – country, folk, blues, new wave, punk, rock ou Tejano, cette musique tex-mex folk et pop des Texans d’origine espagnole…
C’est ce visage d’Austin que Terrence Malick révèle dans Song to Song. Cela faisait longtemps que le cinéaste avait envie de raconter une histoire d’amour contemporaine autour de musiciens ; c’est ainsi qu’Austin est devenu le cadre d’une histoire qui palpite de chanson en chanson, de concert en concert. Le réalisateur explore aussi ces moments où, une fois le spectacle fini, l’intensité et l’euphorie retombent, laissant les musiciens seuls face à eux-mêmes, déjà dans l’attente de la prochaine vibration, du prochain concentré d’émotion et de vie.
Les couples de Song to Song vivent dans une sphère qui reflète cette sensation d’identité mouvante, de flottement, où l’on est censé être libre de palpiter constamment entre humeurs et désirs, sans ancrage, mais où les personnages semblent perdus, à la dérive. Au centre du groupe, Faye, la jeune auteure-compositrice, aspire à franchir le pas vers la vie et l’amour en toute liberté, et à se livrer entièrement à son art. Mais elle continue à se demander pourquoi elle se sent si déconnectée, si incertaine du véritable sens de cette liberté dont elle rêve. Peut elle atteindre quelque chose de vrai, et comment ?
C’est alors qu’il travaillait encore sur The tree of Life que Terrence Malick a commencé à parler du film qui allait devenir Song to Song à ses producteurs, Sarah Green, Nicolas Gonda et Ken Kao. Ceux-ci se sont montrés enthousiastes à l’idée de tourner une histoire d’amour à Austin. Nicolas Gonda : « Austin était le microcosme idéal pour cette histoire et ces personnages précis. C’est un endroit qui attire les artistes et les esprits libres depuis des décennies, et qui connaît une croissance extraordinairement rapide et des changements visibles. La ville attire les gens qui ne veulent pas entrer dans le moule, parce qu’on y a le sentiment d’un nouveau départ. Cependant, même là-bas, personne n’échappe aux contradictions de notre époque. Voilà pourquoi je pense que les personnages de Song to Song parleront aux gens. Chacun d’eux essaie de vivre, de donner un sens à sa vie, de trouver sa place dans un monde qui peut être excitant mais aussi rempli de vide et d’incertitude. C’est une lutte entre la nécessité de vivre dans le monde moderne et le désir de rester fidèle à ce que l’on est. »
Aucun autre métier n’offre sans doute des instants aussi intenses que celui de musicien pop, lorsque les artistes sont portés par l’énergie et l’adoration du public. Song to Song entraîne les spectateurs au cœur de ces moments, tout en montrant ce qui arrive dans les périodes semées d’embûches et de tension qui séparent deux performances.
Sarah Green, Nicolas Gonda et Ken Kao voient tous les trois ce film comme une nouvelle étape dans la carrière cinématographique de Terrence Malick : il mêle une structure narrative solide capable d’engendrer des sensations qui dépassent les mots, tout en jouant avec le dialogue et les monologues intérieurs de manière à refléter le paysage sentimental et émotionnel complexe de l’être humain. Sarah Green : « Song to Song est un film qui bouge vite et fort. Il y a une intimité extraordinaire du fait du choix qu’a fait Terry de poser des voix off pardessus le dialogue. Ainsi, on entend non seulement ce que disent les personnages, mais aussi ce qu’ils pensent. »
Song to Song est aussi son film le plus musical. Terrence Malick a toujours été un passionné de musique, en particulier de la musique classique, du baroque au postmoderne, qui a été un partenaire inséparable de son imagerie visuelle. Mais dans Song to Song, c’est la musique populaire qui constitue le fil qui relie les personnages les uns aux autres. Dès le départ, le cinéaste a cherché comment intégrer à l’histoire le défilé incessant de musiciens dont Austin est le théâtre, des groupes locaux qui s’efforcent de percer aux icônes établies faisant une brève halte lors des grands festivals, en passant par les personnages qu’il a imaginés.