Le 19 juin est la Journée Mondiale de lutte contre la drépanocytose. Première maladie génétique au monde, elle affecte 300.000 naissances par an dans le monde. A cette occasion, nous avons rencontré Mariam Coulibaly, jeune bloggeuse malienne de 24 ans, qui poursuit ses études de communication en France depuis 5 ans. Mariam a crée dreinfos.fr, un site d’informations et de sensibilisation sur la drépanocytose.
Quelle constat sur la maladie faites-vous ?
A première vue, je vois en la drépanocytose une maladie avec laquelle on peut vivre comme toute autre maladie. Même si cela se fait difficilement pour beaucoup de personnes touchées. Le fait qu’elle soit orpheline, très peu connue du public et même du corps médical -en France où d’autres pays où la maladie est très répandue- rend sa prise en charge compliqué. Le manque de spécialistes (drépanocytologues et hématologues), de moyens, la défaillance du système de santé de pays qui comptent le plus de drépanocytaires ainsi qu’un fort taux de prévalence de la maladie, ne permettent malheureusement pas une amélioration de la situation sanitaire des malades.
Même s’il y a un effort d’amélioration comme au Mali, le milieu rural reste néanmoins très éloigné des soins proposés. Les infrastructures sont essentiellement dans les capitales. Le seul centre pour les drépanocytaires du Mali est à Bamako. Tous les malades de ce pays n’y ont pas accès facilement ou n’ont juste pas connaissance de son existence.
Quel regard portez-vous sur la drépanocytose ?
Pour ma part, je ne porte pas un regard particulier sur la drépanocytose. Ce n’est pas la fin du monde lorsque l’on en est atteint. La maladie fait partie de la vie. La drépanocytose fait donc partie de la vie et du quotidien des drépanocytaires. On ne la choisit pas, on naît avec. Le plus important c’est de comprendre cela, de vivre avec et ne surtout pas pleurer sur son sort. Ce qui compte c’est de s’entourer des gens qu’on aime et avoir leur soutien. Pour avoir eu plusieurs témoignages, je sais qu’il est extrêmement difficile de vivre avec une maladie chronique, mais il faut continuer d’avancer !
Quelles actions menez-vous concrètement dans ce sens ?
Dans un premier temps, j’ai choisi de sensibiliser mon entourage sur cette maladie, notamment avec une vidéo publiée sur les réseaux sociaux qui a connu un gros buzz. Suite à cela, j’ai créé un site internet afin d’étendre l’information au-delà de mon cercle d’amis. Sur mon site, je propose des articles sur la maladie en général : symptômes, traitements, évolutions thérapeutiques. Je mise beaucoup sur les témoignages de personnes malades même s’il est très difficile de les recueillir.
Très peu de drépanocytaires souhaitent parler publiquement de leur maladie. Il y a encore un énorme travail de sensibilisation pour briser le silence ! Les idées reçues – sorcellerie, malédiction, faiblesse- autour de la drépanocytose bloquent les malades et leurs familles à prendre la parole. J’essaie de contribuer à ce processus d’information et de sensibilisation. Sans faire le travail du médecin, j’essaie d’apporter conseils, informations utiles et bonnes adresses aux personnes qui me contactent via mon site ou ma page Facebook.
Quelle prise en charge actuellement de la drépanocytose en France ?
En France, le suivi régulier par un spécialiste reste le principal moyen de prise en charge. Un bilan annuel du retentissement viscéral comprenant : échographies hépatique et rénale, examen rétinopathique etc… est obligatoire pour tous les drépanocytaires. En cas de crise, des antalgiques sont administrés par perfusion afin de soulager les douleurs. L’année 2018 a également débuté par une bonne nouvelle pour la prise en charge des adultes malades en France.
L’association « Drepagreffe » a annoncé la possibilité de greffer des malades adultes qui ont dans leur famille un donneur HLA (human leukocyte antigen) compatible. Une nouvelle technique de greffe dite « non-myéloablative » développée avec succès par des équipes américaines, est désormais proposée en France. Il y a par ailleurs des essais cliniques en cours pour l’utilisation de la thérapie génique. Ce traitement consiste à extraire les cellules souches malades, les normaliser et ensuite les réinjecter au patient.
Quelles suggestions pour l’amélioration de cette prise en charge ?
Pour améliorer la prise en charge de la drépanocytose en France ou ailleurs, il faut une connaissance de la maladie par le corps médical notamment dans les équipes d’urgences où parfois la maladie est incomprise. Pour y arriver, il faut continuer à former, informer et sensibiliser les médecins généralistes et infirmiers.