Asimbonanga, Asimbonang’ umandela thina… Ces paroles et cette mélodie indélébiles raisonnent aujourd’hui encore dans nos têtes. A la fois lointaines et si proches de nous, aussi ces images de Mandela, souriant et effectuant quelques pas de danse avec Johnny Clegg, nous sont tout aussi familières. Johnny Clegg qui vient de s’éteindre, emporté par un cancer, le 16 juillet, à deux jours de la date anniversaire de la naissance de Nelson Mandela. Il avait 66 ans.
L’amour de la culture zouloue
Johnny Clegg est né en 1953 Grande-Bretagne. Sa mère, chanteuse, se sépare de son père et part s’installer au Zimbabwe où il grandit dans une ferme jusqu’à l’âge de 5 ans. Il s’installe ensuite avec sa mère et son beau-père, journaliste, à Johannesburg. Son séjour en Zambie les deux années suivantes provoque chez lui un choc culturel : il développe un intérêt tout particulier pour les musiques et instruments africains.
De retour à Johannesburg, se sentant mal dans ce pays asphyxié, Johnny Clegg sillonne les quartiers noirs de la ville. Ses errances l’amèneront à Charlie Mzila, un danseur-guitariste zoulou. Il découvre alors un nouveau monde et apprend les bases de la musique des rues, ainsi que la danse, la langue et la culture zouloue. Fasciné, Clegg brave les interdits à une époque où tout est verrouillé.
Jonnhy Clegg brave les interdits à une époque où tout est verrouillé
Devenu guitariste accompli, Clegg rencontre par la suite, à l’âge de 17 ans, Sipho Mchunu, musicien Zoulou. Ils jouent ensemble dans les rues, les salles privées et les campus. Ils seront régulièrement pris à partis : « Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial ». Le jeune Johnny Clegg poursuit en même temps ses études en anthropologie, embrasant ainsi une double carrière à la fois musicale et intellectuelle.
Juluka, Sueur
Défiant l’apartheid, Johnny Clegg et Sipho Mchunu forment le premier groupe multi-racial de Johannesburg, Juluka. Face au régime de l’apartheid, au racisme d’état organisé où noirs et blancs sont catégorisés, séparés, Johnny Clegg invente une musique révolutionnaire. Il fusionne la culture zouloue, avec ses rythmes et ses danses, et les harmonies rock avec guitares et claviers. Un syncrétisme musical que le régime de Pretoria ne pourra pas contrôler.
Leur premier album Universal Men paru en 1979, et censuré en Afrique du Sud, connaît une certaine popularité auprès de la jeunesse. Puis, African Litany sorti en 1981 marque les débuts de la carrière internationale du groupe. Juluka part en tournée en Europe les deux années suivantes. En 1985, le groupe se produit au stade Ellis Park de Johannesburg, devant plus de 110 000 fans pour un concert historique.
Savuka, Nous sommes debout
Avec le départ de Sipho, en 1985, Johnny Clegg lance un nouveau groupe intitulé Savuka. Le premier album de Savuka, Third world Child, sort en 1987. Le groupe se propulse au sommet de tous les hit-parades. Asimbonanga, tube planétaire, écrite pour toute une génération qui ne connaît pas Nelson Mandela, devient un hymne international. Habillés de blanc et de noir, fusionnant rythme zoulou et sonorités rock entraînantes, la présence sur scène du groupe est saluée. Savuka mobilise la jeunesse et déplace d’innombrable foules lors de chaque concert, particulièrement en France.
Jonnhy Clegg était un symbole de la lutte contre l’apartheid
En 1992, l’assassinat du danseur-percussionniste Dudu lors d’émeutes raciales, sonnera la fin du groupe. Johnny Clegg poursuivra ensuite sa carrière en solo jusqu’à sa tournée d’adieu en 2017.
Surnommé le Zoulou blanc, ardent défenseur du vivre-ensemble, Jonnhy Clegg était un symbole de la lutte contre l’apartheid. La musique, la culture, aura été son arme. « Je ne suis pas le porte-parole de la communauté noire. Je ne suis pas un politicien. Je ne suis qu’un observateur. Je suis un artiste et militant culturel » disait-il.