Qui ne connaît pas un air de Marley ? Qui ne connaît pas son visage ? Bob Marley, de son nom complet Robert Nesta Marley, né le 6 février 1945 à Saint Ann, en Jamaïque, aurait eu cette année, 75 ans. Hommage de David Gakunzi à l’icône du reggae. Jah Live !
Si je ris et souris avec éclat, et les saisons d’utopie, et les saisons de cacophonie, c’est que je suis heureux car j’entends le souffle de ta voix, dans le bruissement des jours de soleil et de lune, l’inspiration mystique, l’ampleur universelle, la sagesse de cristal, drum and bass en premières lignes.
Dans les débuts de l’adolescence, quelques saisons avant, quelques saisons après, la conversation sur les choses de la vie et de la révolution animée entre quartiers, bouillie de farine de maïs et quelques graines de haricots dans l’assiette, quelques livres pour nourrir l’esprit sur les étagères, « au nom de tous les miens » et « philosophie de Garvey »en manifeste, les chants et les poèmes épiques du collège Saint Albert frappant le sol, ramenant le sourire sur la noblesse des vieux penchés sur les plaques de bois rectangulaire, igisoro, le calcul mental rapide égrenant les pierres dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, et ta voix mystère, la parole Soul Adventurer, envoûtant et inventant un autre monde sur un tourne-disque intemporel.
C’était ta musique, les vibrations positives, l’éclair de lumière guérissant de l’obscurité
Get Up Stand up, mouvement de Jah, soyez prêts pour l’exode ; Get Up Stand up, voici les chemins et le soleil qui fume, voici demain sur les routes inconnues à explorer, voici la liberté, l’esthétique résonance Dub Wise, renaissant du passage du milieu, voici l’énergie solaire ondulant, demandant à être enfin entendue, la métaphore prophétique, One love, one heart.
C’était ta musique, les vibrations positives, l’éclair de lumière guérissant de l’obscurité ; c’était notre époque, c’était l’heure de nous laisser vivre.
Dread natty dread, les années d’émancipation de la servitude mentale n’ont pas été vécues en vain. Dread natty dread, le saphir sur le microsillon, les lignes de basses étoiles balsamiques dans nos cœurs palpitants, le crépitement, la percussion one drop improbable, tu parlais de Kingston et de Babylon, de l’Afrique à unir, d’ailleurs et d’autre part, lavant de nos cœurs la blessure de l’exil ; nous disant, sans mascarades, qui nous étions dans la brutalité de cette Jungle concrète, fortifiant de ta force les pensées affaiblies, enflammant, de ta crinière empreinte de libération, notre imaginaire de tous les rêves possibles.
Ta voix, si loin et si proche, densité d’existence sur toutes les ondes du monde, présence éternelle dans notre nouvelle cité
Rien ne pouvait plus nous atteindre aux verticales de l’horizon. Zion était pour le lendemain ; le lait et le miel couleraient à flots.
Nous étions prêts. La tenue, le soleil convoqué, Iron like a Lion in Zion, nous étions prêts pour la traversée. Nous verrions avant le dernier jour la terre promise. Sur les sommets des collines, Could You be Loved, le jour de rédemption était annoncé. Nyabinghi, la fête serait longue.
Mais, qui savait qu’il y aurait cette tumeur et ce mauvais coup du sort ? Que, fulgurance, Ras, beloved Ras, tu n’aurais pas le temps d’aller plus loin que le mois de mai de cette année où nous étions encore loin du port ? Il n’y eut ni cicatrice ni indice annonçant l’invisible ni trop tôt ni trop tard.
Survival. Survivants. Les années, les saisons, survivants comme Shadrach, Meschach et Abednego, jetés dans le feu mais jamais brûlés, survivants, l’aube ouverte sur le numérique, survivants, et, au croisement de nos rêves réalisés et de nos rêves encore à accomplir, ta voix, si loin et si proche, densité d’existence sur toutes les ondes du monde, présence éternelle dans notre nouvelle cité.
Jah Live !
Photo : Dennis Morris