La crise écologique actuelle appelle à une prise de conscience collective et à une réponse éthique fondée sur le sens de la responsabilité partagée et le souci de l’autre. Texte de David Gakunzi.
La terre était un jardin foisonnant de couleurs. Une dimension de l’univers devait néanmoins être accomplie. L’homme l’accomplira, inventant le progrès technique. Du blé, il fera le pain. L’homme n’était plus esclave des forces imprévisibles de la nature. Il était dorénavant le maître de l’univers. La terre était à ses pieds.
A la force de son poignet et de son imaginaire, des œuvres grandioses sortiront du sol. Des cités magnifiques s’élèveront vers les cieux, les tours magiques. L’homme façonnait, fabriquait, construisait et se construisait. Construisait et consommait. Consommait de plus en plus sans limites, sans répit, sans repos, mesurant son humanité au poids des biens matériels accumulés. Consommait sans frein, se complaisant dans le gaspillage et le gâchis.
Dans son extase, il avait oublié l’essentiel : que la terre ne lui appartenait pas
Ivre de ce qu’il avait accompli, il était persuadé qu’il avait le pouvoir de changer le cours de la nature. Il savait faire. Il savait comment faire. Il pouvait continuer à faire. A faire éperdument comme il avait toujours fait. Il fabriquait et fabriquait ramenant tout à ses envies. Abaissant la nature à ses caprices. Il ne se souvenait plus que l’homme n’était pas seul à être sur la planète.
Dans son extase, il avait oublié l’essentiel : que la terre ne lui appartenait pas ; que chaque élément de celle-ci avait son rôle et contribuait à l’équilibre général ; que la nature n’était pas une chose à sa disposition pour usage illimité, exclusif et immédiat. Il avait oublié ce qu’il devait à ceux qui viendraient après lui.
Démesuré, il ne réfléchissait plus et semblait incapable de se fixer des limites. Des bornes à ses dilatations. Des limitations à ses excroissances. Il savait beaucoup de choses mais il ne savait plus faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire. Sa pensée était de plus en plus éclatée et disparate. Elle portait de moins en moins sur le souci de la vie. Elle était occupée par le souci de l’efficacité. Le souci de la production. Le souci du nombre. Le souci de la quantité. Le souci de prendre. De prendre sans repos. D’accaparer. De dévorer. L’homme avait perdu le sens des choses et de ses responsabilités. Il n’habitait plus l’univers ; il l’accablait.
L’homme avait perdu le sens des choses et de ses responsabilités
Le pouvoir de destruction réel, il vivait sans respiration, la pensée superficielle, dissipée, figée dans des certitudes mortifères, incapable d’imaginer et d’inventer d’autres manières d’être au monde. D’autres manières de se relier aux autres. D’autres façons de produire, de consommer et de partager. Il n’écoutait plus ni ce que racontait le vent, ni ce que murmuraient les eaux des océans, ni ce que hurlaient les montagnes. L’hiver ne ressemblait plus à l’hiver ; l’été n’était plus l’été ; la pluie ne tombait plus en son temps ici et là, ou alors tombait plus que d’habitude, noyant le sol d’agonie. Le climat n’était plus le même. L’homme avait oublié qu’il ne pouvait pas défaire, sans prévoyance, l’univers sans conséquences.
L’air sera pollué. Des espèces disparaîtront. L’homme était devenu une menace pour la terre. Une menace contre lui-même. Il avait oublié cette ultime et première vérité : ruiner la nature, c’est ébranler l’homme. Il avait oublié l’importance de planter et de soigner les arbres. Il avait oublié qu’il était le gardien de son frère.