Les tensions autour du partage des eaux du Nil entre les onze pays présents sur son trajet sont dues à plusieurs facteurs.
Le Nil, fleuve nourricier
Le Nil est le second fleuve le plus long du monde après l’Amazone. Avec ses 6 671 kilomètres, il est indispensable à la survie des peuples installés le long de son parcours. Le Nil tient sa force de la confluence du Nil Blanc, qui prend sa source dans le lac Victoria, et du Nil Bleu qui trouve sa source en Ethiopie. C’est ce dernier cours d’eau qui est le plus important puisqu’il fournit plus de 80% du débit du fleuve. Les deux fleuves se rejoignent à Khartoum, capitale du Soudan, puis le Nil traverse toute l’Egypte pour se jeter en un vaste delta dans la Méditerranée.
Les ressources du Nil concernent onze pays : l’Egypte, le Soudan, le Sud-Soudan, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la RDC. Chacun de ces pays compte sur le fleuve pour se procurer énergie et moyens d’irrigation, ce qui rend le partage des bienfaits du Nil difficile et matière à conflit.
Symbolique et historique du fleuve
Hérodote, au Vème siècle de notre ère parlait déjà de l’Egypte comme d’un « don du Nil ». L’Egypte en appelle donc régulièrement à son histoire et au symbole que constitue ce fleuve pour affirmer sa légitimité sur l’usage des eaux du fleuve.
En 1979, le Président égyptien Anouar el-Sadate déclare : « Le seul mobile qui pourrait conduire l’Égypte à entrer de nouveau en guerre est l’eau ». L’Egypte, qui se trouve en aval du fleuve, dépend à 95% du Nil pour sa consommation de l’eau.
C’est en 1929 qu’un traité – signé sous l’égide de l’autorité coloniale anglaise puis amendé 30 ans plus tard – attribue des quotas très favorables à l’Egypte et au Soudan, respectivement 55,5 et 18,5 milliards de mètres cubes par an. Soit au total 87% du débit du fleuve. Le traité octroie en outre au Caire un droit de veto sur tous les travaux susceptibles d’affecter le débit du fleuve. Depuis, l’Egypte s’accroche à ce traité, qualifié d’anachronique et de colonial par les pays situés en amont du Nil.
Des enjeux stratégiques
En plus d’être un symbole, le Nil est d’une importance stratégique pour les pays riverains, et plus encore pour l’Egypte, du fait de sa dépendance extrême en termes d’approvisionnement en eau. Ainsi, chaque remise en question des traités en rapport avec la distribution des eaux du Nil, est considérée comme une question de sécurité nationale par les autorités égyptiennes.
Le fleuve constitue également une donnée stratégique pour les autres pays en amont : de plus en plus peuplés, ces derniers ont besoin d’installations hydroélectriques. Le dialogue entre ces différents pays riverains du Nil est de ce fait parfois difficile. Mais des structures de coopération ont été mises en place par les différents gouvernements pour coordonner les différents intérêts : c’est le cas du NBI (Nile Basin Initiative) basée à Kampala et à Nairobi.
Ethiopie : le « Grand barrage de la renaissance »
Le 14 mai 2010, l’Ethiopie, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya signent « l’accord d’Entebbe » pour un partage des eaux plus équilibré et développer des projets sur le Nil sans avoir à solliciter l’accord du Caire, remettant ainsi en question «les droits historique» du vieux traité. L’Egypte manifeste son désaccord et quitte alors le NBI.
Plus récemment, la construction en 2013 du « Grand Barrage de la renaissance » en Ethiopie cristallise les tensions. Avec un réservoir de 75 milliards de mètres cubes d’eau, il permettrait à l’Éthiopie de devenir le premier producteur d’électricité en Afrique. Le projet crispe l’Égypte, cette dernière considérant que son voisin assécherait illégalement les eaux du Nil. Cependant, le président égyptien, son homologue soudanais et le Premier ministre éthiopien parviennent à signer un accord de principe le 23 mars 2015, sur la construction du barrage et sur la répartition des eaux du grand fleuve.
Dans un contexte de pression démographique et de réchauffement climatique, les tensions autour du partage équitable des eaux du Nil semblent être un enjeu majeur pour les décennies à venir.