Accorder à tout citoyen un revenu minimum garanti sans condition ni contrepartie ? La crise sanitaire a fait resurgir dans le débat public la question du revenu universel.
Le revenu universel consiste à verser tout au long de la vie, sans condition d’âge, une somme identique pour tous, sans contrepartie, cumulable avec tous les autres revenus. Concept ancien, attribué à Thomas More au 16e siècle, le revenu de base figure chez nombre de penseurs de tous horizons : chez les socialistes utopiques, les économistes libéraux comme Milton Friedman, ou encore chez les philosophes comme Michel Foucault ou Bertrand Russell.
Cependant, il existe des différences idéologiques sur l’application du revenu universel. Si pour certains courants, le montant du revenu de base doit être faible pour que l’on ne puisse pas se passer d’emploi, pour d’autres, il est un facteur d’émancipation vis-à-vis du travail.
Ainsi, les libéraux inscrivent le revenu de base dans une lutte contre la pauvreté et non des inégalités. Ce revenu de survie favoriserait un rôle limité de l’Etat et le libre choix individuel. Autre tendance : l’attribution d’un revenu décent dans une perspective égalitaire et fraternelle. Chacun étant libre d’accepter ou refuser un emploi, entreprendre, ou encore réaliser des activités non valorisées par le marché du travail (étudier, éduquer ses enfants, soigner un proche, bénévolat…).
Alors que la crise sanitaire du Coronavirus vient exacerber les inégalités, l’idée du revenu de base, longtemps reléguée à une réflexion utopique, prend de plus en plus forme. Le gouvernement espagnol s’apprête à mettre en place ce dispositif pour environ dix millions de citoyens parmi les plus précaires du pays. Ce revenu pourrait atteindre environ 450 euros par mois. Pour Nicola Sturgeon, Première ministre d’Ecosse, « le revenu de base universel est une idée qui arrive à point nommé ». L’Allemagne envisage une somme de 1.000 euros par mois pendant six mois à tous ceux qui ont besoin d’être soutenus financièrement.
Ne plus penser le travail comme seul créateur de richesse
De nombreuses expériences locales ont déjà été menées ailleurs, notamment au Canada, au Kenya, en Inde et dans certaines régions des Etats-Unis. Dernièrement, la Finlande a testé le revenu de base à titre expérimental sur des chômeurs. Même si l’étude a montré un impact « faible » sur le retour à l’emploi, les participants ont vu une nette amélioration de leur bien-être et de leur confiance. Moins de dépression, de stress et de solitude.
L’adoption du revenu universel sous-entend un changement sociétal et de perspective sur la notion de travail. Notamment, ne plus penser le travail comme seul créateur de richesse et facteur d’intégration à la société. Ce dispositif ouvrirait des portes conduisant à une société plus inclusive dans laquelle chaque individu occuperait un rôle, indépendamment du système productif.