Lundi 25 mai, George Floyd meurt suite à son arrestation par la police de Minneapolis. Les images de l’arrestation sont insoutenables. Diffusées sur les réseaux sociaux, elles suscitent l’indignation mondiale. Texte de David Gakunzi.
Please… J’étouffe. Please… Personne ne devrait mourir comme ça. Please, I can’t breathe… George Floyd est couché. Couché sur le bitume, les mains menottées, un poids écrasant sur la gorge. Comme dans un cauchemar.
L’air. De l’air. Une bouffée d’air. Mais quelle est la couleur de l’air ? Please man… Le cou. Le genou. Sur le cou de George Floyd, le genou d’un policier blanc. La proie et le chasseur. Le policier semble ravi de lui-même. Le plaisir du chasseur. Le chasseur en position de maître. Le chasseur qui tient sa proie. La possession et le pouvoir. Faire sentir dans la chair écrasée, la loi du plus fort.
Sur le cou de George Floyd, le genou d’un policier blanc. Scène peuplée de beaucoup d’autres scènes. Des siècles d’étouffement. Strange fruit. La corde et les cous. Le temps des corps noirs suspendus sur les branches d’arbres. Strange fruit. L’esclavage a été pourtant aboli. La ségrégation a été pourtant proclamée hors-la-loi. Le corps noir. La vulnérabilité du corps noir. Le corps noir peut être l’objet d’une battue pour la capture. Pour la vente. Pour les plantations. Pour l’usage. Pour la corde. Pour la mise en cage. Pour la mise à part.
I can’t breathe. J’étouffe. Nous étouffons. Le racisme étouffe
I can’t breathe… J’étouffe. Nous étouffons. Le racisme étouffe. Le racisme catégorise, infériorise, hiérarchise, rabaisse, corrode, sape, mine, insulte, agresse, blesse, mutile, opprime, étouffe. Les préjugés, les croyances, les discours, les dispositifs, les politiques, les coups. Le racisme est symbolique, il fait de la peine ; le racisme est physique, il tue.
George Floyd est couché sur le bitume. Le bitume est sec, dur, froid, sans cœur. Please, man… La voix de Floyd. I can’t breathe.
La police dira ce qu’elle dit toujours. Qu’il faut tout d’abord s’appliquer à bien comprendre le contexte de l’intervention. Que, quoiqu’il en soit, il ne faut pas généraliser, qu’il ne s’agit là que d’un regrettable et déplorable accident isolé, qu’il ne s’agit là que d’une simple bavure, d’un débordement, mais qu’en personne responsable, chacun devrait savoir raison garder et voir tout ce qui va, tout ce qui va bien et qu’il faut, qu’il faut…
Qu’est ce qui se joue dans la tête d’un homme qui agresse un autre homme
Des experts rivaliseront de médiocrité pour rendre Floyd responsable de sa propre mort. Pour épingler et disqualifier le propos de tous ceux et de toutes celles qui, le cœur chagriné ou en colère, oseront monter au créneau, protester, réclamant que justice soit faite !
Des experts se succéderont et tourneront sur les plateaux télés, le petit racisme normalisé, bien respectable, pour réécrire l’histoire. L’affaire n’aurait pas eu lieu comme elle a eu lieu. L’affaire. Etouffer l’affaire. Evacuer ce mot de racisme, qu’il ne faut surtout pas prononcer, ce mot produit prohibé à faire disparaître du champ visuel quotidien et à bannir de la conversation publique.
George Floyd est couché. Bloqué. De quoi le corps noir bloqué est-il le symptôme ? Qu’est ce qui se joue dans la tête d’un homme qui agresse un autre homme à cause de la couleur de sa peau ?
My heart hurts. Floyd, un homme inquiet pour l’avenir des jeunes Noirs à la merci de la première balle perdue. Kids getting killed. My heart hurts. Floyd n’aimait pas la violence. Floyd chantait le gospel de la joie d’être ensemble tous les jours de prière. Il aurait tout donné pour rendre heureux le premier venu rencontré.
Yes Sir ! Floyd était monté du Texas vers le Minnesota pour tenter sa chance. Yes Sir ! L’air de l’espoir. Yes Sir ! Il voulait sa part du rêve américain. Yes Sir ! Il croyait dans la bannière de l’égalité. Yes Sir ! L’égalité des chances. Yes Sir ! L’honneur de sortir de ses propres forces de la pauvreté. Yes Sir ! Les droits. L’égalité des droits. Yes Sir ! Le soleil existe pour tous. Yes Sir ! La couleur ne compte pas, dit la Loi. Le racisme est une abomination, dit la morale. Yes Sir !
Qu’est-ce être Noir ? Une somme d’expériences vécues, répétitives
Man, Floyd étouffe. Floyd empêché de respirer.
On peut mourir comme ça. Un Noir peut mourir comme ça sur le trottoir de n’importe quelle rue de Minneapolis. De Medellin. De Rio. De Londres. De Paris. De Moscou. De Johannesbourg. Un Noir. Ce ne sera qu’un autre Noir. Un autre corps. Qu’est-ce être Noir ? Une somme d’expériences vécues, répétitives. Nous étouffons.
Can’t breathe… S’il vous plaît, je ne peux pas respirer, s’il vous plaît, mec…
George Floyd ne peut plus respirer. Floyd sur le bitume, les mains menottées, un poids sur la gorge. Comme dans un cauchemar. Mais Floyd ne se réveillera pas comme on se réveille en sursaut d’un terrifiant cauchemar. Le crime a eu lieu. Les larmes d’une mère. A Black Man died.
Photo : 27 mai 2020 – Minneapolis ©Lorie Shaull
2 commentaires
C’est honteux qu’un homme puisse souffrir et mourir sous le joug de son semblable je pleure devant tant de haine.
Un homme sous les coups d un autre homme meurt atrocement pour sa couleur de peau , l horreur au sommet de sa folie consciente
Il serait temps de faire encore et encore un rappel pour éduquer transmettre le savoir des hommes qui eux savent raconter l histoire du passé pour faire un présent un futur un mélange des couleurs .C’est le fondement de l univers ,