« Si meurt la fraternité, meurt l’égalité. » Préjugés, comportements, idéologie, catégorisation, hiérarchisation, discriminations, violences… Le combat contre le racisme est indivisible et devrait nous réunir et non pas nous diviser, encore moins nous opposer, nous rappelle David Gakunzi.
De becs et de griffes, les petites phrases, les punchlines, les commentaires, les tweets : le poison quotidien. Le brouhaha et le bruit. Les mots jaillissant de l’obscurité, la pensée supplée par le cancan. Les analyses sommaires. Lapidaires. Les réquisitoires sans appel. La raideur. La rigidité. Le raisonnement qui n’en est plus un. Où la méthode ? Où la rigueur ? Où l’honneur de la démonstration ? Où la retenue dans le propos ?
On n’écoute pas, on n’entend plus ; on ne sent pas, on ne se souvient plus ; on ne pense pas. On pensera peut-être au siècle prochain.
Le climat général est frelaté. A chaque fait divers, on se lâche. Coup sur coup, on aligne des sentences comme on dresse l’échafaud. Des sentences sur ceux qui ne sont pas faits à notre effigie ; ceux, assignés à des identités collectives, renvoyés à leurs caractéristiques supposées de naissance, de couleur ou de foi qui détermineraient tout de leurs comportements.
Le plaisir de la violence verbale
On débite, on dégurgite sans vergogne des généralités à la va-vite. Des propos misérables qui n’avaient plus cours au cœur de l’espace public. A chaque occasion, certains se délectent, poussant le propos un peu plus loin. La violence de ce qui est proféré est publique. Et on cogne. On humilie. On s’acharne. Le plaisir de la violence verbale. L’envie de rabaisser. De blesser. L’ardeur à la cruauté. Climat de violence symbolique accumulée.
C’est, cette semaine, Danièle Obono, députée de la France Insoumise, représentée en esclave dans le dernier numéro d’un sinistre média ; c’est, mercredi dernier, un graphiste strasbourgeois bousculé dans une rue parce que juif…
Si, acceptant et intégrant cette violence nauséabonde chaque fois qu’elle ne nous tient pas directement pour cible ;
si, la mauvaise foi, loi et norme par routine ;
si, à l’instant d’une saison inattendue, meurt la fraternité, nous aurons tous perdu quelque chose de ce que nous tenons pour essentiel. Quelque chose de ce qui nous fonde et nous tient ensemble.
Si meurt la fraternité, mourront les libertés, mourra l’égalité
Si, chacun pour soi, chacun barricadé dans son univers, chacun ne militant que pour sa seule et propre cause, se contrefichant de celle des autres, méprisant, piétinant celle des autres, puisque de notre époque personne ne souciant plus de personne ; si, l’égoïsme sans bornes faisant le lit du pire, se consume ainsi, à petit feu, ce qui nous relie, alors aura triomphé notre part de laideur.
Auront triomphé ceux qui fantasment de nous faire notre affaire les uns après les autres, les uns à la suite des autres. Ceux qui haïssent pour se sentir vivre. Eux, ils attendent. Eux, ils se frottent déjà les mains. Eux, ils ricanent et contemplent les ruines.
Si, la raison crevassée, la mémoire trouée inopérante ;
si, devenus des êtres sans souvenirs, des êtres incapables de donner sens et espérance à notre époque ;
si meurt, aussi misérablement, la fraternité, mourront les libertés, mourra l’égalité.