Jerry John Rawlings, ancien président du Ghana, restera une figure marquante de l’histoire contemporaine de l’Afrique. Sa disparition a suscité beaucoup d’émotions sur le continent où il jouissait d’une grande popularité pour son engagement au service de la justice. Texte de David Gakunzi.
Matin brumeux de novembre : d’Accra, bourdons et notes de high-life qui s’étirent à n’en plus finir. Par nos yeux de chair, l’Afrique frappée de désolation. Rawlings, puisque Jerry John Rawlings, puisque ce que la vie qui sépare a dit ne saurait être différé. Accra, le chœur drapé de kenté, pour rendre les derniers devoirs; le commencement d’un autre voyage : le soleil se couche pour se relever.
Rawlings. L’avenir semblait impossible ; nos matins et nos soirs, la galère régnait. Lorsque venait le temps de moudre le mil, entre éclats d’obus et commissions obscures, lamentations des ventres creux et plaintes des peaux malingres confinées dans l’invisibilité silencieuse, submergées par l’angoisse d’être en vie : « Si je savais que l’on vient et qu’il y a la misère et la pauvreté, je n’allais pas venir. » En ces jours sans miséricorde, l’Afrique attendait : qui rehausserait la bannière pour la défense des os brisés ?
La vocation d’accomplir la justice
Or, d’arc-en-ciel, Jerry John Rawlings, d’un mois de juin et de changement de saison, l’ascendant portant sur ses épaules l’espoir collectif : « Pourquoi ne pas arrêter ceci et recommencer autre chose ? Les choses peuvent être différentes. « Porte à porte, le rêve sera propagé la voix basse résonnante, la joie et la création triomphantes essaimées en mélodies aux refrains romanesques. La justice sera justice. La justice. La vocation d’accomplir la justice. Vivre la justice. Le devoir d’être juste. L’accomplissement du bien commun. Rattraper le temps que nous avions laissé derrière ; redonner la vigueur aux belles choses ; lever la lumière sur l’avenir. La justice a été vue.
La montagne, la mer, les collines, le soleil, la palpitation d’un continent et la fragilité de nos existences. Accra, l’encens qui brule et se consume. Le rire qu’on entendra plus. Le visage qu’on ne reverra pas. L’absence de la poignée de main chaleureuse au creux de la main. La place est vide.
Black star, pour des siècles et des siècles louanges et souhaits de paix
Black star, pour des siècles et des siècles, louanges et souhaits de paix : cet homme de grâce a donné le meilleur de lui-même pour le royaume de la justice ; cet homme avait quelque chose de magnétique ; cet homme était attendu ; cet homme est arrivé.
La poussière retournera à la poussière et sera gravé sur la pellicule ce qui demeure : un gamin rêvait de naviguer les ailes déployées tout là haut où le regard porte loin pour compter le nombre des étoiles ; il deviendra, appelé par les vibratos de l’histoire, pilote à bord présidant aux destinées d’une génération.
Au large de mille ans, bienheureux les justes aux œuvres durables à jamais imprimées dans l’épaisseur cuivré du vent, l’harmonie vibratoire éclaboussant d’enchantement le tempo enjoué du high-life qui s’écoule vers l’infini.
Accra, ce fut ainsi.
Photo : Jerry John Rawlings, né le 22 juin 1947 à Accra et décédé le 12 novembre 2020 dans la même ville.
David Gakunzi est l’auteur de « Ce rêve qui dure encore », ouvrage paru en décembre 2023 chez Temps universel.
1 comment
Super ton hommage,super mon frère pour ce héros à qui l’Afrique moderne doit et devra tant
merci David
Irénée Domboué ,à Montpellier