Le verdict est tombé : l’officier de police responsable de la mort par asphyxie de George Floyd, vient d’être reconnu coupable de toutes les charges retenues contre lui . Continuer le combat contre le racisme est le meilleur hommage que nous puissions rendre à Floyd. Texte de David Gakunzi.
Le combat contre le racisme sera – peut-être – le combat qui déterminera le visage de ce siècle. Que ce mal s’empare de l’esprit de notre époque et étende sournoisement ou ouvertement ses tentacules et notre avenir sera marqué durablement d’inhumanité.
Le racisme n’est pas une fatalité ; le racisme a une histoire ; le racisme est de l’ordre de la construction politique et sociale ; le racisme est un outil aliénant relevant de l’idéologie utilisé souvent à des fins de stigmatisation, de division, de hiérarchisation et de domination ; un outil perpétuant des représentations négatives, dévalorisantes, méprisantes, ancrées parfois dans la pensée de l’ordinaire. Mais si, au-delà de l’état mental individuel, des affects, des croyances, ce mal relève également des dynamiques institutionnelles d’exclusion, de ségrégation, chaque personne peut décider de combattre ou de cautionner cette laideur. Chacun peut faire la différence à son niveau en posant des actes quotidiens, simples, contre ce fléau.
S’exprimer contre le racisme est un droit élémentaire
L’écoute d’abord. Ecouter les victimes. Faire preuve d’empathie, reconnaitre leur douleur. Faire en sorte qu’elles aient droit à la parole. Qu’elles puissent s’exprimer. Faire entendre leurs voix. Dire librement leur vécu sans être rabrouées. Dire leurs expériences sans être harcelées, assaillies, intimidées, brutalisées. Le racisme s’éprouve et, s’exprimer contre le racisme est un droit élémentaire. Un droit autorisé par la loi.
Etre aux côtés des discriminés ensuite. En ces temps toxiques d’institutionnalisation abjecte de la haine en spectacle télévisuel quotidien, de transformation du racisme en produit commercial pour talk-shows, de normalisation du racisme comme ligne éditoriale, de propagation de la parole raciste décomplexée, de dissémination massive des stéréotypes dépréciatifs et de résurgence du racisme épidermique, combattre ce fléau c’est prendre le temps nécessaire pour accompagner ceux qui en sont les cibles.
Refuser de se taire face aux propos stigmatisants
C’est refuser de se taire face aux actes de discours stigmatisants et aux pratiques discriminatoires. C’est refuser de cautionner par l’indifférence, la contamination du langage partagé par cette abjection de plus en plus éhontée. C’est œuvrer avec patience à démonter les mécanismes de cette jouissance malsaine affichée publiquement par tous ces passionnés de la haine étrangement inaccessibles à la souffrance d’autrui, tous ces peureux de l’altérité qui pensent le monde dans une langue verticale, sans saveur, ces trouillards encagés dans une angoisse affolée reprochant aux autres d’être les autres, ces froussards passionnément déterminés à cogner en bandes sur leurs cibles et à faire subir à leurs souffre-douleurs un tourment sans fin ; ces tristes personnages fissurés de l’intérieur ravis d’exhiber leurs muscles pour dissimuler ce qui les ruine.
Soyez vent debout contre la parole qui blesse, agresse, rabaisse
Que pouvons-nous faire ensemble, en vagues solidaires, contre cette maladie insidieuse et mortifère ? Chacun et chacune peut faire quelque chose avec son cœur, avec sa tête, avec ses bras. N’attendez pas qu’une autre personne se mobilise à votre place pour faire ce qui doit être fait. N’attendez pas que quelqu’un d’autre, quelque part, prenne les bonnes décisions. Faites ce que vous devez faire pour créer les conditions d’un environnement sociétal sain, vivable pour tous et toutes. Un environnement tissé de curiosité, d’ouverture, de solidarité, de sourires, d’accueil.
Utilisez votre voix pour que le droit soit dit sans considération de la couleur de la peau
Et surtout restez focalisés sur l’essentiel. Ne vous laissez pas emporter et engluer dans des débats sans importance qui n’en valent pas la peine. Restez concentrés sur ce qui est fondamental. Soyez vent debout contre la parole qui blesse, agresse, rabaisse. Engagez-vous contre toutes les formes de discrimination. Parler publiquement à haute et intelligible voix contre cette tendance à excuser les violences racistes et à rechercher, chaque fois, ce qu’auraient commis les victimes du racisme pour excuser les agressions racistes subies. Utilisez votre voix pour que dans les cours de justice, l’égalité puisse prévaloir, que le droit soit dit sans considération de la couleur de la peau.
Cautionner le racisme par notre indifférence c’est emprunter la voie de l’auto-avilissement
Nous pouvons tous et toutes faire quelque chose contre le racisme. Nous devons tous et toutes faire quelque chose contre le racisme. Car cautionner le racisme par notre indifférence, notre silence ou nos discours alambiqués, c’est emprunter la voie de l’auto-avilissement. C’est nous habituer à ce qui ne nous élève pas. C’est porter préjudice à notre bien-être commun.
Refuser la violence déshumanisante comme normalité quotidienne, affirmer notre commune humanité, faire avancer la cause de l’égalité, promouvoir la pluralité et le sens du partage, c’est le meilleur hommage que nous puissions rendre à George Floyd.
David Gakunzi est l’auteur de « Ce rêve qui dure encore », ouvrage paru en décembre 2023 chez Temps universel.