Le lundi 4 décembre, David Gakunzi a été convié avec d’autres à une projection d’images du massacre du 7 octobre dernier en Israël. Images brutes provenant des caméras des terroristes, des caméras de surveillances des kibboutz et des réseaux sociaux. Images insoutenables. Eprouvantes. Sentiment d’incommensurabilité. Ci-dessous, sa réaction.
Samedi 7 octobre — Jeudi 7 décembre. Deux mois déjà. Pensées et prières pour les familles en deuil et pour les vies brutalisées, piétinées, mutilées, arrachées. Prières pour Kfar Aza, Be’eri, Ofakim, Sderot, Yad Mordechai, Yated, Kissufim, Urim. Prières pour Réïm.
On peut dire la guerre. La guerre et les mauvaises nouvelles de la guerre. La guerre et sa destructivité. Mais, de cela, comment parler de cela ?
J’ai tant voyagé et vu le meilleur et le pire de l’homme. Je croyais que je connaissais tout de la vie. Et j’ai vu les images du massacre du 7 octobre. Des images au-delà de ce qui peut être raconté.
La terreur déchaînée. Le massacre répété, répété, répété et encore répété. Et les yeux et les cris des enfants découvrant le visage de l’horreur. Et l’enfer vécu par les femmes. Et les jeunes gens à l’heure de la vie et de la fête, soudain devenue l’heure de la mort. Le feu et les corps brulés. Aucune pitié ni pour les personnes âgées ni pour les nourrissons.
Et les tueurs sanctifiant l’inhumanité de leurs actes en invoquant le nom d’un Dieu qui ne leur a rien demandé.
Et cet acharnement sur les corps. Cette profanation des morts.
Le massacre filmé et mis en scène pour plonger la vie dans l’angoisse de la mort.
Comment parler de ce qui dépasse l’entendement ?
Et cet appel téléphonique d’un militant du Hamas à son père : « Papa. J’appelle depuis le téléphone d’une femme juive. Je l’ai tuée, elle et son mari. J’ai tué 10 Juifs. 10 ! 10 ! 10 ! 10 Juifs. Leur sang est sur mes mains. Regarde sur ton WhatsApp les images. »
Nous apprenons tous très tôt qu’il y a des choses que nous ne pouvons pas faire au risque de perdre l’amour de nos proches. Vérité incontestablement universelle. Mais qu’advient-il lorsque perpétrer un crime contre un être humain, un Juif, n’est plus tenu pour un acte mauvais susceptible d’attirer sur vous la malédiction, mais plutôt un geste et un haut fait source potentielle de surcroit d’amour parental ? Source de joie et de réjouissances ?
L’obscurité. L’interrogation : comment un homme peut-il commettre cela et s’en réjouir ? S’en vanter ?
Quelque chose s’est passé. Quelque chose d’insondable. D’incommensurable. Quelque chose au-delà de la violence.
Pensée et prières.
Et je vois le monde de ceux qui s’évertuent à justifier les crimes du 7 octobre par un conflit d’intérêts. Ceux qui accusent les Juifs de vol de jouissance. Ceux qui affirment que les bourreaux seraient des libérateurs. Ceux qui, par leur langage et leur grammaire, participent aux plaisirs de ceux qui ont commis ce massacre.
Prière. Que je trouve les mots, même insuffisants, pour dire la solitude et le chagrin des victimes.
Pensées. Je marche dans les rues de Paris. J’écoute mes souvenirs. Il y a des jours qui durent plus que 24 heures. Nous marchons tous portant dans nos corps et nos mémoires des fragments de notre histoire commune. J’ai vu ces images et j’ai cru revoir, par moments, des scènes du génocide des Tutsis du Rwanda.
Je marche. Je sais : nous sommes assis dans un autre siècle qui tangue.
Prières et pensées. Prière pour que cesse un jour cette haine sans âge. Et que la lumière soit dans tous les cœurs.
David Gakunzi est l’auteur de « Ce rêve qui dure encore », ouvrage paru en décembre 2023 chez Temps universel.