Hommage à Mbissane Ndaye, disparu le 17 février 2025, par son ami Ibrahima Thiam, professeur de philosophie.
Issa a pleuré.
Je n’ose, à cet instant, imaginer dans quel état est le Prof Jarraf.
Notre ami est parti.
Mes larmes ont coulé, comme il n’y a pas longtemps, quand notre premier : Ciré Éliman Sall est parti.
Seydou comment es-tu ?
Ablaye Ndiaye a déplié la nappe… Tout est nombre.
« La mort de Mbissane – me dit ce soir-là, Issa Cissé – a ramené à la fleur de l’âme, toute la violence de notre société, contre nous les incompris, ceux-là à qui on a ôté la parole, la joie de vivre, l’audace de la pensée par la menace de l’épée de la folie ».
Au lit douillet du déni est allongée sous un drap de soi la violence qui se nomme terranga.
Mbis L’Invaincu, plus que quiconque parmi nous, tu as assumé cette « infamie » jusqu’au bout, la poitrine offerte aux flèches de la fourberie. « Honorable Rastaman », comme tu t’es nommé toi-même durant la dernière bataille.
Nous voilà aujourd’hui, nous rendant compte de notre fuite, pour jouir d’un peu de la chaleur sociale, mais que nous payons de notre lutte.
Notre ami Mbissane est parti, à ce moment que le temps seul sait, avec le secret de son génie, dont le conformisme sénégalais, lui a défendu d’accoucher, jamais, jamais, tant qu’il reste une pulsation de vie dans sa chair. Pendant qu’il nous reste du souffle, nous disons
« C’est jusqu’à l’os que la société sénégalaise nous a rongés, par le refus d’entendre la dissonance qui nous habite ».
Se taire, rire, se courber avec les pantins devant le grand néant, être accordé dans le non-sens, renforçant le fou dans sa folie par un « je comprends » qui nous condamne encore dans notre solitude.
Ô combien est violente cette société sénégalaise, où chacun se campe dans sa suffisance afin de mieux conduire ses manigances. Dans les mosquées comme à l’université, dans l’église, sur le banc public, qu’on ne cesse de fréquenter pour notre quête d’un peu de chaleur humaine.
Demain, la société vêtue de son cache-misère et le couperet roulé dans le verbe, se hissera encore sur son grand cheval : l’apparence ; la bouche remplie de gâteries, nous murmurera : « je savais que ça allait mal finir ».
En fait, c’est exister et non s’ombrager qu’ils appellent « Mal ».
Bien sûr, nous aussi, ceux de ce petit groupe, qui nous nommons Osea savons que c’est leur misérable contentement qu’elle fait, par ce vide soudain, son propre lit de mort, car bientôt, une fois que nous serons là-bas, cette société se rongera elle-même. Peut-il en être autrement, pour que la nouveauté advienne ?
Dans la difficile quête de soi pour accoucher de l’inouïe, les gardiens des traditions quand ils échouent, guettent toutefois le moment, le couperet dissimuler dans le verbe, pour dire « je t’avais prévenu ».
Combien serait leur joie, s’ils te trouvaient déchiqueté par dans un lit d’hôpital, avec leur formule « je t’avais dit, cela allait mal finir ». C’est là ta grande victoire, car tu leur as ravi cette joie, c’est de ton lit que ton âme a pris son envol.
